La face cachée du cadran

19 Fév 2019

AUTREFOIS L’APANAGE D’ARTISANS DÉDIÉS QUE L’ON APPELAIT « CADRANIERS », L’ART DE RÉALISER LES PLUS BEAUX CADRANS A AUJOURD’HUI ÉTÉ INTÉGRÉ AU SEIN DES MANUFACTURES LES PLUS PRESTIGIEUSES.

À LEURS CÔTÉS, DE MULTIPLES MAISONS INDÉPENDANTES RIVALISENT D’INVENTIVITÉ POUR DONNER VIE ET ÉCLAT À DES PIÈCES CRÉATIVES PROPOSÉES AU JUSTE PRIX. LA MODE DU VINTAGE A ÉGALEMENT PERMIS LE RETOUR EN FORCE DU VINTAGE ET DE SES EXTRAVAGANCES CHROMATIQUES. D’AUTRES MAISONS PRÉFÈRENT LES TECHNIQUES D’USINAGE DERNIER CRI, NOTAMMENT AU LASER, POUR CRÉER DES MICRO GRAVURES D’UN RÉALISME SAISISSANT. DÉCOUVERTE INTIME DU PREMIER VISAGE DE LA MONTRE : SON CADRAN.

Qu’ont en commun Jaquet Droz, Omega ou encore Glashütte Original ? Outre leur appartenance à la même maison mère, The Swatch Group, elles sont passées maître dans l’art de cadrans originaux, propres à leur marque et qui, dans bien des cas, sont réalisés en interne.
Cette rare compétence permet de s’affranchir des standards esthétiques en vigueur. Pourtant, loin d’être dépassés, ils restent d’une étonnante stabilité à travers les siècles. En déduire que l’horlogerie est conservatrice n’est pas suffisant : les cadrans les plus courants se ressemblent parce qu’ils sont tout simplement animés du même objectif, la lisibilité. La mode des montres sans cadran, dites « squelette » n’est que récente et marginale dans les collections les plus prisées.

Le coup de pouce du vintage

La lame de fond des montres vintage favorise elle aussi un retour à des cadrans qui ont fait leurs preuves. L’arme secrète de leur longévité : leur simplicité. Pour favoriser la bonne lisibilité d’une montre, rien de plus évident que d’en accentuer le contraste. C’est ainsi que les rééditions de la trilogie Omega 1957 favorisent un cadran anthracite survolé de larges aiguilles acier. La Multifort de Mido exploite les deux variantes, fond noir / aiguilles acier ou, à l’inverse, fond blanc / aiguilles noires.
Du côté de Chopard et Parmigiani Fleurier, en Suisse, on retrouve une Haute Horlogerie indépendante qui suit le même principe sur l’une de ses pièces les plus populaires, le chronographe Mille Miglia, aux larges aiguilles glaive empreintes de Super-LumiNova.

Une invention décisive

Cette substance joue elle aussi un rôle clé dans la conception des cadrans horlogers. Il s’agit, à la base, d’une poudre. Elle prend sa source dans des pigments mis au point par Nemoto & Co, au Japon, en 1993. Le « Super-LumiNova », un nom de marque et une technologie aux brevets farouchement défendus, en est l’expression horlogère.
Sa luminescence a connu de nombreux développements qui ont permis de changer son apparence diurne mais aussi sa nocturne. Le pigment nocturne peut ainsi être soit bleu, soit vert, soit, dans de rarissimes cas, rouge. Cette troisième couleur requiert davantage de développements ainsi qu’un environnement physique d’une grande stabilité. Il n’est donc utilisé que de manière anecdotique en horlogerie. A l’inverse,
dans la famille des pigments diurnes, toutes les couleurs sont possibles. En croisant les deux univers, l’on peut donc obtenir un index qui, de jour, sera de n’importe quelle couleur mais, de nuit, qui ne « brillera » que de vert ou de bleu, au mieux de vert bleu. Les marques horlogères se sont appropriées ces développements. La Khaki Field d’Hamilton arbore ses aiguilles empreintes de Super-LumiNova beige, tout comme la Diver Sixty Five d’Oris, quand l’Elegance Chronographe de Pequignet leur préfère les tons blancs, parfaitement lisibles sur un cadran bleu.

Les nouvelles couleurs de l’horlogerie

Ce type de cadran bleu est devenu fréquent en horlogerie, à l’instar, globalement, d’un ensemble de couleurs qui s’affichent aujourd’hui sans complexe : vert, noir, gris, blanc, etc. A ces couleurs primaires s’ajoutent les nuances promises par la nacre, les gravures qui leur donnent un reflet particulier. Il ne faut toutefois pas y voir une nouveauté. Au contraire, même : l’horlogerie a longtemps arboré de vives couleurs,
notamment dans les années 60 et 70. Le grand retour du vintage a emporté avec lui celui de ces chromatismes que l’on croyait perdus. Chez Oris, la collection Aquis offre de vifs cadrans bleus ou verts. La Rue Royale de Pequignet tente le gris anthracite, l’Equus le gris soleillé. Pour MeisterSinger, ce sera le chocolat avec sa Perigraph et, pour Parmigiani Fleurier, le rouge vif de sa Tonda Métropolitaine.
Dans ces horizons chromatiques, la manufacture de Schaffhouse H. Moser & Cie joue un rôle particulier. C’est elle qui a remis au goût du jour, voilà bientôt 10 ans, les cadrans fumés. C’en est devenu la signature esthétique de la maison, où le bleu est devenu « Funky » ou « Lagoon », le vert « Cosmic », sans compter des séries limitées rouges devenues cultes.

Tout en relief !

Si les marques usent de cet éventail de couleurs, il n’en est pas moins infini. Pour se distinguer, plusieurs maisons ont donc développé des traitements de cadrans qui leur donnent un éclat singulier.
L’exemple le plus flagrant est probablement celui de Glashütte Original. La manufacture allemande a puisé dans son héritage pour remettre à jour ses modèles Sixties Panorama Date. En imprimant un relief irisé et soleillé (qui va du centre vers la lunette) à ses modèles verts, la manufacture a créé un cadran unique, tridimensionnel, capable de capter la lumière de manière toujours changeante. Chez Omega, les nouvelles Seamaster Aqua Terra offrent sur leur cadran un célèbre motif de vagues gravées au laser qui donnent véritablement vie à la pièce.
On retiendra également le motif en pétale de la Happy Sport de Chopard.

Créativité débridée

Lorsque l’on quitte le champ de couleur et motifs, un vaste univers créatif s’ouvre. Le premier d’entre eux consiste à changer le matériau du cadran, le plus souvent en acier avec une base en laiton. Parmi les exotismes préférés des horlogers : la météorite. On en trouve notamment sur la Tonda 1950 de Parmigiani.
La manufacture se distingue toutefois de ses consœurs par un mariage peu commun de cette pierre extraterrestre avec de la couleur. C’est ainsi que l’on obtient des garde-temps particulièrement audacieux avec des cadrans qui sont, par exemple, en météorite bleue.
Pour filer la métaphore spatiale, c’est vers Omega qu’il faut se tourner. Sa dernière Speedmaster « Dark Side Of The Moon » Apollo 8 est un cas d’école : son cadran n’existe plus vraiment, ayant été remplacé par une gravure… du mouvement !
Avec elle, composant par composant, au laser, Omega a méticuleusement reproduit la surface lunaire sur sa Speedmaster. Une édition collector rare qui affole déjà les afficionados de la manufacture.

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