Les vénérables manufactures horlogères sont devenues de véritables laboratoires de R&D.
Entre alliages et matériaux composites, les marques rivalisent d’inventivité pour créer des montres plus solides, plus légères mais tout aussi luxueuses que leurs aînées. Devant une offre devenue pléthorique, quels matériaux horlogers choisir ?
Une forte accélération, en Suisse, est quelque chose qui ne passe pas inaperçu ! Après deux siècles de relative stabilité, les marques horlogères se sont mises à produire de multiples matériaux de boîte, mouvement ou bracelet. L’euphorie marketing a gagné les collectionneurs. On ne parlait plus seulement d’or ou d’acier, mais de titane, de tantale, de carbone, de silicium, de Magic Gold ou d’or Sedna. Le marketing aidant, ces matériaux ont favorisé les ventes de nouveaux modèles. Certains se sont pérennisés. D’autres ont fait long feu. Aujourd’hui une seule question demeure : à quoi servent-ils ?
VAILLANTS ANCÊTRES
Trois matériaux anciens restent toujours très usités : l’or, l’acier et le maillechort. Les deux premiers servent à l’habillage de la montre. Cela concerne sa boîte, sa carrure, sa lunette, son bracelet, pour l’essentiel. Le maillechort est moins connu du grand public. Pourtant, c’est de lui que sont faits la quasi-totalité des mouvements de montres mécaniques – hier comme aujourd’hui, probablement encore demain. C’est un alliage de 50 % de cuivre, 30 % de zinc et 20 % de nickel ; il est moins oxydable que le laiton qui lui précédait jusqu’au début du XXe siècle. Il offre de remarquables propriétés de durabilité, de neutralité magnétique, en plus de sa capacité à pouvoir être décoré facilement puisqu’il n’est pas trop dur.
UN ACIER CHIRURGICAL
Pour la boîte, l’acier est le plus répandu. Il est le plus souvent dit « 316L ». C’est un acier inoxydable, stable, utilisé également en chirurgie pour sa neutralité au contact de la peau. La mention « 316L » est rarement exprimée. Elle est devenue superflue tant ce type d’acier est devenu la norme. Il équipe toutes les Longines, Oris, Frédérique Constant, Hamilton, MeisterSinger ou autres Glashütte Original. Son avantage est sa longévité, laquelle confine à l’éternité. Son inconvénient reste sa relative sensibilité aux rayures du quotidien.
TENDRE OR
L’or y est encore plus sensible. Il est deux fois plus tendre que l’acier (2,5 contre 5 sur l’échelle de MOHS). Plus brillant, plus précieux, il est en contrepartie beaucoup plus sensible aux coups et griffures que l’acier. Ce sera d’autant plus vrai que sa pureté augmente ou qu’il se voit agrémenté d’additifs qui peuvent en altérer la résistance. Par exemple, l’or rose, très en vogue, contient 20 % de cuivre et 5 % d’argent. C’est un or sensible. À l’inverse, l’or blanc peut contenir jusqu’à 25 % de palladium, ce qui le rend plus résistant que les autres alliages aurifères (or jaune ou or rouge, par exemple).
POIDS LOURDS, POIDS PLUME
Ces deux matériaux fétiches de l’horlogerie, l’or et l’acier, ont néanmoins un point commun : leur poids. Jusqu’au début des années 2000, l’équation en vogue voulait qu’une montre de prestige soit lourde. Le paradigme s’est inversé avec la volonté d’avoir des montres plus confortables. Et quelques années plus tard, avec l’envie de porter des montres de luxe « tout terrain ».
Ces deux contraintes ont conduit à l’usage de nouveaux matériaux, plus légers et plus résistants. Le plus connu : le titane. Sa dureté est supérieure à celle de l’acier (6 sur l’échelle de MOHS). Il est presque deux fois plus léger que lui, en plus d’être insensible à la corrosion. À la peau, il est sensiblement plus doux et tempéré que l’acier, qui reste froid au premier contact. Ses coûts de fabrication sont aujourd’hui très proches de ceux de l’acier 316L. En revanche, ses coûts de finition et de décoration restent plus importants, précisément parce que le titane est très dur et donc résistant à la gravure, au guillochage. C’est la raison pour laquelle les montres en titane demeurent souvent légèrement plus onéreuses que les pièces en acier. Elles sont plus difficiles à polir, finir, décorer – surtout suivant les standards très élevés du
Swiss Made. En revanche, le titane permet de beaux traitements de surface, comme sur la dernière ZRC GF 3000, habillée de noir, ou sur la collection MARQ de Garmin. On note également l’alliage propre à Citizen, le SuperTitanium, du titane pur traité à l’aide de la technologie de durcissement des surfaces exclusive de la maison japonaise, le Duratect.
MAGIQUE CÉRAMIQUE
La céramique occupe une place croissante en horlogerie. C’est pourtant l’un des matériaux les plus anciens de l’humanité – on la travaillait au quotidien dans l’Antiquité ! En revanche, ce n’est que très récemment que l’on a su lui donner deux caractéristiques incontournables en horlogerie : sa dureté
et sa couleur. Maintenant acquises, ces qualités ont permis aux horlogers de développer essentiellement des lunettes en céramique. Elles sont légères, douces, inrayables, agréables au toucher, instantanément à température ambiante, donc idéales pour être manipulées en tant que lunette. Jaquet Droz et Omega s’en sont fait une spécialité, au même titre que Longines.
SILENCE, ÇA TOURNE !
Le mouvement de la montre a lui aussi connu de profondes révolutions de matériaux. Si la masse oscillante peut rester en or (comme chez Jaquet Droz ou Parmigiani Fleurier), elle se façonne aujourd’hui aussi en tantale.
C’est, comme l’or, un métal très lourd et qui possède donc une inertie capable d’entraîner facilement le rotor d’une montre mécanique, et donc de la remonter plus aisément.
Au coeur du calibre, le silicium est devenu incontournable. Dans son organe réglant, appelé échappement, il permet à la montre de « battre » de manière régulière, étant insensible aux variations de température ou de magnétisme. Omega, Glashütte Original, Jaquet Droz, Frédérique Constant, Longines, en font l’usage le plus fréquent, voire systématique.
SEDNA OU CÉRAGOLD ?
Reste le cas des matériaux composites développés et brevetés par les marques. L’or Sedna et le Céragold en font partie. Ils ont été conçus par Omega. L’idée : concevoir des montres en or qui ne s’altèrent pas, insensibles aux chocs et rayures. L’Omega Ceragold permet de décorer des pièces en céramique avec de l’or 18K, en incrustant des chiffres et une échelle en or 18K au sein d’une lunette en céramique, associant harmonieusement pour la première fois ces deux matériaux. Quant à l’or Sedna, c’est un alliage dont sa composition d’or (au moins 75 %), de cuivre et de palladium confère une nuance de rouge unique et particulièrement durable. Son nom est inspiré d’un objet en orbite qui a été décrit comme l’un des plus rouges de notre système solaire.
ET LE CUIVRE ?
C’est la star des dernières années : les montres en cuivre rappellent l’accastillage des vieux gréements. Un appel au large auquel les marques ont dédié de magnifiques boîtiers aux tons chaleureux. Le cuivre « horloger » est de deux natures : stabilisé ou naturel. Stabilisé, il gardera son aspect, sans aucune corrosion naturelle. Il ne déteindra pas sur la peau et pourra se porter en toutes circonstances. Naturel, il vieillira, se patinera. Au contact du sel, il se parera de vert-de-gris, cette teinte propre au cuivre qui vieillit. Chaque pièce deviendra ainsi unique au contact du poignet de son propriétaire.